Les accidents de la route tuent plus de personnes que le SIDA chaque année dans le monde. Mais de récentes études montrent que de bonnes pratiques en matière de conception urbaine permettent de réduire de façon significative ce chiffre. C’est une démarche originale que nous vous faisons découvrir ici avec de nombreux exemples.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime qu'en 2016 (le chiffre provient d’une approximation regroupant de multiples sources), environ 1,35 million de personnes sont mortes dans des accidents de la route dans le monde, dont une grande partie (plus de 90%) dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.
En France, en 2023, le décompte se situe à 820 morts pour 3320 accidents en ville.
Les usagers fragiles (piétons, cyclistes, utilisateurs d'EDPM) représentent 20 % des personnes tuées et 30 % des blessés graves dans les accidents de la route en agglomération.
Source : ONISR - Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière - Bilan provisoire des accidents de la route en 2023 (données au 1er décembre 2023)
Par rapport à 2022, on observe une légère augmentation de la part des cyclistes et utilisateurs d'EDPM parmi les personnes tuées (de 7% à 8%) et une légère baisse de la part des piétons (de 18% à 17%).
Ce qui représente sur la totalité des accidents urbains, pour les usagers fragiles :
Il est important de noter que :
Les initiatives de sécurité routière ont tendance à se concentrer sur des approches comportementales comme les campagnes de port du casque, de la ceinture de sécurité, ou des consommations d’alcool et de drogue au volant. Mais, une nouvelle publication de l’initiative de EMBARQ du WRI Ross Center for Sustainable Cities démontre que 7 principes de conception peuvent aider les villes à réduire considérablement le nombre de décès sur les routes. Voici comment!
Les villes urbanistiquement bien connectées et compactes offrent une sécurité supérieure par rapport aux agglomérations étendues.
Des villes comme Stockholm ou Tokyo, à la structure compacte, présentent les taux de mortalité routière les plus bas au monde : moins de 1,5 décès pour 100 000 habitants. En revanche, la ville tentaculaire d’Atlanta enregistre un taux de mortalité six fois supérieur, soit 9 décès pour 100 000 habitants.
Les villes devraient donc se construire ou se reconstruire en créant des îlots urbains plus petits, des rues conviviales pour les piétons. On constate donc qu’un habitat dense offre un accès plus rapide et à pied aux transports, aux divertissements et aux espaces publics. Cela réduit la nécessité des déplacements en voiture et garantit des espaces sûrs pour la marche et le vélo.
Des vitesses automobiles plus réduites, en particulier en dessous de 40 à 50 km/h, diminuent considérablement le nombre de blessés graves et de morts.
Les municipalités peuvent instaurer des zones à vitesse réduite et un apaisement de la circulation à l’échelle de la zone, incluant notamment des ralentisseurs, des chicanes, des élargissements de trottoirs et des passages piétons surélevés.
Les études montrent que les ralentisseurs peuvent réduire la vitesse des véhicules de plus de 36 km/h à moins de 25 km/h. Paris, par exemple, utilise ce type de dispositif pour concevoir des rues sur l’ensemble de la voirie respectant les limites de vitesse de 30 km/h. Chartres a fait de même, ce qui, en limitant le nombre d’accidents, a permis le retrait des feux tricolores. Finalement, la circulation en ville est plus fluide et donc plus rapide.
Assurer la sécurité est fondamental sur les artères principales, où piétons et automobilistes se côtoient fréquemment avec des flux importants.
L’évolution actuelle en faveur des « rues complètes » implique que tous les types d'usagers bénéficient de passages sécurisés et d'espaces routiers dédiés.
Par exemple, les îlots refuge et les terre-pleins sécurisés par des bornes fixes offrent aux piétons un lieu sûr lorsqu'ils traversent la route. Les feux tricolores cyclistes avec marquage au sol offrent d’autres exemples de possibilités.
La ville de Mexico a constaté que chaque mètre supplémentaire de largeur d'une route non protégée augmentait les accidents de piétons de 3 %. Récemment, la ville a réaménagé son Avenue Eduardo Molina en “rue complète”, équipée de transports en commun dédiés, de pistes cyclables et d'un terre-plein central vert pour les piétons. Des changements similaires dans certaines réhabilitations des rues de la ville ont entraîné une baisse de près de 40 % des décès.
Lorsque les piétons manquent d'espaces sécurisés, le risque augmente.
Un espace de base sur les trottoirs est nécessaire, mais les rues et zones piétonnes peuvent également être des outils efficaces pour protéger les piétons et organiser des connexions en site propre.
Au cours des dernières années, la ville de New York a initié un changement au retentissement mondial visant à éliminer certains segments de voirie routiers pour les transformer en zones piétonnes.
Une grande partie de Times Square est désormais accessible uniquement aux marcheurs et aux cyclistes. La ville a enregistré une diminution de 16 % des excès de vitesse et une réduction de 26 % des accidents avec blessés dans les rues offrant plus de place aux piétons.
Des études réalisées dans plusieurs villes montrent que le nombre de blessés diminue lorsque davantage de personnes font du vélo sur des infrastructures dédiées comme les pistes cyclables. Aussi faut-il qu’ils soient connectés pour relier les zones résidentielles aux entreprises, aux commerces, aux écoles, aux parcs et aux transports en commun.
Bogota, en Colombie, a constaté que l'ajout de plus de 100 km de pistes cyclables a contribué à réduire le nombre de décès de cyclistes de 47,2 % entre 2003 et 2013 et à augmenter l'utilisation du vélo de quelque 3 % à plus de 6 % de tous les déplacements quotidiens.
Les transports publics de qualité sont utilisés par plus de personnes et connaissent moins d'accidents que les véhicules privés. La recherche montre qu'un système de transport en commun rapide par bus (BRT) avec un accès piéton sécurisé, peut réduire de 50 % les décès et les blessures graves sur les routes.
Les villes doivent utiliser l'analyse des données pour identifier les points clés où les 6 solutions précédentes peuvent être intégrées. Cela demande de disposer des bonnes données sur les accidents de la route pour les cartographier et les analyser afin de créer des cartes thermiques des lieux accidentogènes.
De cette façon, Londres a découvert qu'une augmentation du nombre de décès de cyclistes était due à des collisions impliquant de gros camions livrant des marchandises dans le centre-ville. La ville a donc développé un programme pour reprogrammer les livraisons à des heures moins fréquentées par les cyclistes.
La mortalité routière en agglomération reste un problème de santé publique majeur.
Des actions concertées et multidisciplinaires sont nécessaires pour atteindre l'objectif de zéro accident mortel en ville.
Nous vivons dans un monde qui s'urbanise rapidement, et les villes devraient abriter 70 % de la population mondiale d'ici 2030.
Concevoir des villes sûres dès maintenant peut protéger les résidents actuels ainsi que ceux à venir.
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Image à la UNE : accidents de la route à Paris - source Wikimedia