Un virage vers la piétonnisation amorcé dès 1963, élue « Meilleure grande ville pour la biodiversité » en 2019, Metz regroupe à elle seule toutes les évolutions urbanistiques qui amènent les grandes métropoles à un apaisement des flux de circulation et à un partage intelligent de l’espace public. Voici comment.
Metz, ville de garnisons, place forte française et allemande pendant l’Annexion, compta à un moment plusieurs milliers de soldats (jusqu’à 15 à 20 000 Allemands). Au sortir de la reconstruction, la qualité du patrimoine historique n’enlève pas un sentiment de froideur et d’austérité issu des années de guerre et d’occupation des villes de l’Est de la France. Cependant, une révolution est en marche dès le début des années 60.
Lors de la piétonnisation d’une zone, les arguments du débat tournent souvent autour de la vie des commerces et de leur accès en voiture par les clients. Mais à Metz, en 1962, les choses ne se sont pas passées comme ça. Ce sont les commerçants qui ont demandé l’interdiction de circuler des véhicules et pas à n’importe quelle période de l’année : pour Noël. Une opération baptisée « Le piéton est roi », interdit la circulation et le stationnement des voitures dans les rues Serpenoise, Ladoucette, Fabert, des Clercs, ainsi que sur la place Saint-Jacques, le cœur commerçant de la ville. Entreprise par l’association de sauvegarde du commerce messin, cette initiative vise à faciliter les déplacements des acheteurs et à encourager la promenade devant les vitrines illuminées et décorées pour Noël.
En 1965 est inauguré le plus grand parking souterrain de France (1370 places) sous la place de la République qui reste pour autant un immense parking à ciel ouvert. La situation s’améliore pour un temps, mais il faudra attendre 2009 pour que la place arrête de servir de parking. Entre-temps, la piétonnisation voit le jour.
Le 2 octobre 1973, « en Bonne Ruelle » devient la première rue piétonne de Metz inaugurée par Jean-Marie Raush, en réalité souhaitée par son prédécesseur, Raymond Mondon, ministre des Transports et maire de Metz pour lutter contre la congestion automobile qui s’amplifie. C’est donc une culture qui s’installe dans la cité lorraine à travers les mandats successifs et qui perdure encore aujourd'hui. En 1974, suivront les rues la Chaplerue et la rue du Grand-Cerf. La rue Serpenoise et la rue des Clercs seront définitivement piétonnes en 1979.
Le centre de Metz dispose d’un important plateau piétonnier d’environ 52 000 m2. Une grande partie des rues historiques de la ville ont été transformées en voies piétonnes au cours des ans, mais c’est en 2009 que la piétonnisation de la ville connaît un tournant décisif qui fait entrer la ville dans sa phase actuelle d’évolution.
Le parking en surface de la place de la République ferme définitivement en 2009. Le 14 avril, les premiers piétons traversent la place. Il faudra attendre plus d’un an pour que la place prenne son aspect actuel.
Victimes de leur succès et de leur ancienneté, les rues des Clercs et Serpenoise, axe central du plateau piétonnier et rues historiques de la piétonnisation, doivent subir un coup de jeune. La place Saint-Nicolas et la rue des Augustins, puis la traversée de l’avenue Foch qui sert à relier le plateau piétonnier à l’Amphithéâtre sont concernés. Le dallage de béton de deux teintes apparaît.
Avec l’ouverture de ce nouveau centre de boutiques, de restaurants et de loisirs, l’urbanisation piétonne doit se réorienter. Les espaces à traverser sont parfois des frontières. Les voies ferrées de la gare en sont une. Un trajet mixte avec une signalétique piéton est organisé entre la rue de la Fontaine, entrée/sortie du plateau piétonnier par le sud-est et le passage de l’Amphithéâtre qui mène au Centre Pompidou-Metz. La place Saint-Nicolas devient une zone de rencontre (priorité du piéton sur tous les autres usagers, vitesse des véhicules limitée à 20 km/h). Le trottoir de la rue des Augustins est élargi et permet une circulation plus confortable des piétons qu’il partage avec les cyclistes suivant une matérialisation au sol de leur voie.
Cette phase essentielle permet de relier le plateau piétonnier de la ville historique aux quartiers réhabilités et aux nouveaux espaces, incluant par là même tout le parc de la Seille. Elle souligne également l’intérêt de la ville pour ses parcs et forêts.
Dans la même séquence d’évolution, la périphérie du plateau piétonnier voit apparaître des zones 30, l’espace entre la cathédrale et la place Jean-Paul-II se transforme une zone de rencontre. Priorité est donc donnée aux piétons avec une limitation à 20 km/h max pour tous les véhicules. Dans le même temps, la disparition des trottoirs donne le cachet d’un véritable parvis à cet endroit de passage. Le temps de stationnement gratuit des nouvelles bornes d’arrêt minute (BAM) est fixé à 30 min aux abords de la zone et des places pour personnes à mobilité réduite sont aménagées.
La volonté de garder et de développer les espaces verts fait partie de la philosophie globale de l’évolution du tissu urbain messin qui est fortement inspiré des grandes métropoles de l’Est et du Nord de l’Europe. C’est lors d’un voyage à Amsterdam en 1969 que Raymond Mondon (ministre des Transports et maire de Metz) est saisi de voir tout le monde circuler à pied et donne les premières impulsions du changement. La culture de la ville en la matière tient de cette volonté d’ouvrir l’espace urbain dans toutes les dimensions. Les programmes d’écologie urbaine sont nombreux.
Cette politique de biodiversité et de renaturation est à l’échelle de la métropole et ne concerne bien sûr pas uniquement que quelques parcs et espaces verts du centre.
Ce projet consiste en une réhabilitation d’une friche militaire entre deux quartiers de la ville. La végétalisation de 2 hectares en ville par 60 000 arbres permettra de créer un poumon vert entre les quartiers de Devant-lès-Ponts et de La Patrotte. La Ville de Metz a décidé d’en faire un site de renaturation d’un sol artificialisé en cœur de ville. C’est un exemple unique en France de par sa taille et de par son emplacement. Là où d’autres villes préfèrent le béton, Metz choisit cette alternative qui à terme sera un lieu de détente, de loisir, mais également une liaison piétonne et cyclable entre les quartiers.
Depuis plusieurs décennies, Citinnov équipe et entretient une soixantaine de points d’accès du plateau piétonnier et des zones ou rues piétonnisées.
Que ce soit sur les axes historiques comme les rues Serpenoise et En fournirue : entrée commandée par borne et sorties libres par boucle de détection dans la chaussée, ou sur les entrées et sortie de la gare, les dépose-minute et la dépose-minute bus de l’avenue François Mitterrand, Citinnov travaille sur l’ensemble de la métropole de Metz.
Les 65 bornes de contrôle d’accès implantées sont des bornes SUMO-F automatiques. Cette borne de régulation de trafic est à la fois robuste et fusible, ce qui veut dire qu’elle n’est pas conçue pour endommager les véhicules qui viendraient à la percuter accidentellement, c’est-à-dire sans mauvaise intention.
Cet équipement est conçu pour des cadences de manœuvre quotidiennes importantes. Leur moteur électrique TBT de 24V (Très Basse Tension) en fait un matériel durable et écologique, car peu coûteux en énergie. En effet, relevage et abaissement se font par une sangle souple qui en plus d’être silencieuse, n’utilise pas de lubrifiant et ne demande qu’une maintenance réduite.
Des bornes manuelles SUMO-F équipent des accès moins fréquentés comme celui du jardin Jean-Marie Pelt par l’avenue Louis le Débonnaire, comme l’allée Hildegarde qui mène au Kayak club. Certaines places comme la place de la Comédie, la place d’Armes, la place Sainte Glossinde et la place de la Comédie en sont équipées.
Les totems de contrôle d’accès sont toutes équipées de caméras et d’interphones. Si on ne parle pas de caméra de surveillance, c’est que tous ces équipements sont reliés à un superviseur urbain et les personnes de la police municipale ou les personnes chargées d’orienter ou de répondre aux questions des usagers, surveillent et conseillent. Ce circuit complète les caméras de façade et de mât.
Une cinquantaine de totems de commande joue ce rôle interactif qui peut rendre bien des services. Par exemple, pour signaler un accident. Un adolescent a su s’en servir pour gagner de précieuses minutes pour secourir son père tombé d’un échafaudage. Le temps d’alerte est réduit au minimum, puisque le PC sécurité transmet dans la minute les informations aux services compétents et peut suivre la progression du véhicule de secours pour lui ouvrir les accès.
Précurseuse dans la piétonnisation étendue de ses rues, Metz pourrait bien l’être aussi pour les évolutions réglementaires de ses espaces réservés.
Années 2020. La fréquentation du plateau piétonnier était devenue une habitude pour tous et le respect des règles s’était effrité au fil des années. Dans le même temps étaient apparus de nouveaux moyens de transport urbain. Les trottinettes, skateboards et hoverboards, monocycles (gyro roues) électriques sont venus s’ajouter aux vélos qui se sont vus équipés de moteurs électriques. Tous ces nouveaux engins à la limite de la piétonnisation qui ont envahi l’espace urbain ont soulevé des débats. Les premières victimes sont bien entendu les piétons les plus fragiles, personnes âgées, personnes à mobilité réduite, enfants et mères de famille avec poussette.
Le danger qui se généralise est comme partout ailleurs, la vitesse. La vitesse des cyclistes, des trottinettes, mais également des véhicules de riverains et de livraison.
En 2021, la sentence est tombée : la vitesse sera réduite pour tous, y compris pour les véhicules non motorisés sur l’ensemble du plateau piéton. Et les agents de la brigade de VTT chargés de surveiller et de verbaliser les contrevenants seront équipés de jumelles radar, comme la police autoroutière. Le Maire a prévenu : si les imprudences et incivilités persistent, les cyclistes devront mettre pied à terre dans la zone piétonne. La ville de Metz reste pionnière dans les moyens mis au service de la piétonnisation.
En conclusion, la ville de Metz est un exemple historique dans l’évolution de la piétonnisation liée au partage et à l'apaisement de la ville. Depuis les premières expérimentations, il y a plus de 50 ans jusqu’aux projets actuels tournés vers le futur, Metz représente la réussite d’une évolution urbaine à l’échelle humaine. Aujourd’hui, la ville se tourne vers le futur en prévoyant de rénover son système de gestion centralisée et réfléchit aux solutions technologiques de pointe qu'elle pourrait proposer dans les prochaines années aux usagers des aires piétonnes pour faciliter et optimiser les services apportés.
Lire aussi :
Image à la UNE : Metz — source Wikimedia