Les grandes métropoles accaparent souvent le devant de la scène en matière de piétonnisation. Par l’importance des infrastructures et équipements qu’elles sont capables de mettre en place, par la valeur des réalisations de leurs centres-villes également. Mais qu'en est-il pour les petites villes et villes moyennes qui cherchent également une évolution souhaitée par leurs habitants ? Dans ce domaine, Toul offre une démarche exemplaire par sa prudence et son ouverture d’esprit.
Avec ses presque 16 000 habitants (chiffres INSEE) Toul entre dans la catégorie des petites villes ou villes moyennes selon la classification adoptée par les chercheurs. Ce point est crucial pour l’évolution d’une ville de cette importance qui doit trouver l’équilibre entre investissements et qualité de vie.
Ville fortifiée de longue date, Tullum capitale des Leuques était une des principales cités gallo-romaines — et possédait déjà une palissade protégeant onze hectares, Vauban donnera à la ville en 1700 des fortifications encore visibles aujourd’hui et qui dessinent le centre-ville historique. L’histoire de Toul est à la fois baignée de culture catholique et géopolitique, ville importante des Trois Évêchés, place forte pour le contrôle de la Meuse et de la Moselle (deux cours d’eau navigables stratégiques à travers l’histoire de la région), la ville recèle des trésors culturels artistiques riches de son histoire.
La cathédrale Saint-Etienne et son cloitre du 13e au 15e siècle, la collégiale Saint-Gengoult, le musée d’Art et d’Histoire et la salle Lapidaire, les fortifications Vauban, parties du système de défense de Séré de Rivières avec notamment la porte Moselle, sans oublier l’Hôtel de Ville qui est l’ancien palais épiscopal de la ville médiévale.
Le Gris-de-Toul ou Côtes-de-Toul, classé AOC depuis 1998, provient d’un vignoble implanté sur les coteaux toulois depuis l’époque romaine qui a fait la richesse de la ville et en est aujourd’hui une des fiertés. Car, le privilège de Toul est aussi la proximité ancestrale que la ville a su garder avec la nature et l’agriculture.
La ville est loin d’être un musée et son cœur est resté le centre commerçant de l’agglomération et des environs.
Mais dans les années 2010, les problèmes de pollution et donc d’agression de la pierre des monuments historiques, le remodelage obligé du commerce et de l’habitat se font sentir. Le centre-ville possédait de petites surfaces habitables et la gestion des espaces commerçants posait problème.
En 2017, la ville bénéficie du dispositif Action Cœur de Ville qui consiste en une mise à disposition de professionnels et de fonds publics pour la rénovation des centres historiques et la conception d’une vie adaptée aux critères actuels de l’urbanisation pour les villes moyennes.
Toul fait partie de ces villes moyennes qui ont vu leur attractivité augmenter à la suite des confinements parce qu’elles sont proches de la campagne. Ces cités proposent à leurs concitoyens un équilibre « confort de ville à la campagne » recherché aujourd’hui.
C’est dans cette phase de développement que Toul a mis en place une politique courageuse de droit de préemption des cellules commerciales sur l’ensemble du centre-ville pour assurer l’existence de commerces et d’activités artisanales utiles aux habitants.
On soulignera que les développements actuels ne se limitent pas aux commerces et à la circulation. La ville organise des programmes d’écopâturage, de ruchers urbains, de jardins familiaux et partagés, de végétalisation des rues et des façades, etc. Conseils et matériel sont apportés aux volontaires. La résolution du problème de trafic en centre-ville est un des domaines couverts par l’Action Cœur de Ville.
Dans son développement et sa recherche d’évolution harmonieuse prenant en compte les nouvelles demandes des habitants, la municipalité a procédé à plusieurs expérimentations.
Première expérimentation menée un samedi d’août en partenariat avec l’association des commerçants. Les riverains et les commerçants du centre-ville sont heureux de voir leur rêve se réaliser. Les périodes d'affluence provoquent des bouchons d’automobiles dans les petites rues du centre. Les heures d’entrée et de sortie d’écoles sont particulièrement difficiles. Mais ce samedi, les terrasses des restaurants et des cafés s’étendent sur la rue, les commerçants ont sorti leurs étals. La mairie a rendu gratuits les lignes de bus desservant le centre-ville et le stationnement. Toul prend des allures festives. La journée est une réussite.
Autre expérience légèrement différente, la journée du 24 septembre, soit un an après la première expérimentation, s’oriente vers un respect de l’environnement. L’espace piétonnier s’étend de la place des Trois-Evêchés à toutes les rues qui la bordent.
La nouveauté réside dans les activités de sensibilisation associées à cette journée. Le nettoyage du centre-ville et des abords. Les habitants sont invités à venir, munis de gants pour une promenade matinale utile à travers les rues et les sentiers parcourant les remparts. Accompagnés des agents municipaux, ils ramassent et comptabilisent les déchets jetés hors des poubelles.
L’association Vélorution rassemble les habitants autour d’un déjeuner de sensibilisation aux déplacements doux et pratiques dans le cadre d’une petite ville. D’autres associations sportives, écologistes et festives apportent leur soutien et leurs connaissances lors de cette journée qui se termine par des apéritifs dînatoires organisés comme chaque mois par les commerçants du quartier Gourmand qui va de la rue Carnot à la place du Couarail.
Ce qui ressort de ces expérimentations est le bon dosage qui convient à la piétonnisation. On considère généralement qu'une piétonnisation s’équilibre autour de trois critères.
Pour autant, la piétonnisation du centre-ville de Toul est-elle la bonne solution ? C’est la question que se pose à juste titre la municipalité et qui n’appelle aucune réponse toute faite. Principalement, parce que la taille d’une ville, sa topographie, le peuplement de sa périphérie (qui peut être composé de plusieurs villages), sont des facteurs qu’il faut pouvoir évaluer avant de décider de la piétonnisation, même partielle, d’un centre-ville.
Cette question de savoir si la taille des villes joue un rôle déterminant dans la mise en place de zones piétonnes au sein des centres-villes commerçants est un sujet d’importance croissante dans le domaine de l’urbanisme. Les décisions politiques relatives à l’aménagement urbain soulèvent des débats sur la pertinence de la piétonnisation en fonction de la taille des agglomérations. Alors que les grandes villes régulent à grands frais la circulation automobile pour éviter les congestions, les villes de taille moyenne sont confrontées à des enjeux propres liés à la vitalité de leurs centres commerciaux par rapport aux accès des clients venant de la périphérie. Cet équilibre entre les besoins de mobilité et les impératifs économiques locaux demeure au cœur des réflexions des acteurs municipaux.
Si la réduction de la pollution et des nuisances n’est plus à démontrer en la matière, il faut donc nuancer les solutions. Les études du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement) montrent bien la différence de modes de transport employés par les usagers des grandes villes et des villes moyennes pour faire leurs courses.
Les chercheurs estiment qu’un usager délaisse la marche et le vélo pour des déplacements supérieurs à 3 km. De plus, si les usagers font leurs courses à proximité, la nature des commerces joue également. La piétonnisation favorise les restaurants, cafés, commerces de luxe et de bouche, donc tous les commerces de proximité ne profitent pas de la piétonnisation.
En multipliant les expérimentations en plan de circulation, en zone piétonnière ou zone semi-piétonne, la mairie de Toul recherche avec prudence les solutions possibles pour un usage partagé et utile de la ville. La municipalité s’oriente vers des solutions de mobilités douces sans exclure la voiture.
Une zone 30 est une zone de circulation où la vitesse maximale autorisée est de 30 kilomètres par heure. Ces zones sont souvent mises en place dans les zones résidentielles, les quartiers historiques ou les zones piétonnes, dans le but de garantir la sécurité des piétons et des cyclistes. Elles visent à réduire les risques d’accident et à favoriser un environnement urbain plus calme et convivial.
Une zone de rencontre est un type d’aménagement urbain où les piétons ont la priorité et où la vitesse est limitée à 20 kilomètres par heure. Dans ces zones, les piétons peuvent utiliser toute la chaussée et les conducteurs doivent adapter leur vitesse en conséquence. L’objectif principal d’une zone de rencontre est de favoriser la cohabitation entre les différents usagers de la route, en mettant l’accent sur la sécurité et le partage de l’espace public. Les piétons et les cyclistes sont prioritaires sur tous les véhicules dans ces zones de rencontre.
En 2023, Citinnov a équipé un premier segment de voirie qui consiste dans le contrôle d’accès de la rue du Menin. Ce dispositif permet de sécuriser notamment les entrées et sorties du Lycée Louis Majorelle, compte tenu de l'exiguïté de la rue.
Un totem de contrôle d’accès CITIUM et une borne SUMO-AB lumineuse ont donc été placés au croisement de la rue du Général Foy et de la rue Baron Louis, au début de la rue du Menin. L’entrée se fait à l’aide d’une télécommande qui est la solution choisie par la municipalité au vu du faible nombre de riverains concernés.
La sortie se fait par la petite rue du Menin avec une sortie libre par boucle de détection et totem CITIUM avec feux rouge et orange.
Le haut de la rue du Menin à l’intersection de la rue Porte de Metz est sécurisé par des bornes fixes et bornes amovibles de la même gamme SUMO.
L’évolution d’une ville est toujours un processus complexe. Si les changements apparaissent parfois surprenants, ils n’en sont pas moins le résultat d’une progression lente. Chaque ville possède un nombre important de particularités qu’il faut connaître et appréhender en profondeur pour concevoir les transformations ou ajustements harmonieux pour la ville et ses habitants.
Lire aussi :
Image à la UNE : Toul, vue aérienne – source Wikimedia