Poser cette question peut apparaître incongru. Mais, c’est une question récurrente qui apparaît lors des conseils municipaux. Bien sûr, la vitesse des automobiles est réglementée. Il s’agit donc de la vitesse des vélos et des EDPM, ces engins motorisés de déplacement personnels. C’est une question de sécurité, mais également de survie pour les zones piétonnes qui se doivent d’être conviviales et accueillantes pour exister.
L’entrée aux zones piétonnes est aujourd’hui pratiquement partout contrôlée par des bornes de contrôle d’accès actionnées par des totems de commande. Ce type d’équipement est implanté pour laisser l’espace ouvert aux piétons, poussettes et personnes à mobilité réduite en fauteuil roulant. Ce principe permet également à tous les deux roues de passer, ce qui laisse le passage à des véhicules de tous types pouvant se mouvoir parfois à des vitesses relativement élevées.
Pour entrer, les conducteurs de véhicules (voiture, camionnettes et camions) doivent avoir fait une demande auprès des services de la mairie. Leur nombre est donc réduit et le temps de présence des véhicules de livraison, par exemple, est souvent limité à quelques heures.
La limitation de vitesse des automobiles à l’intérieur d’une zone piétonne est généralement fixée à l’allure du pas qui équivaut à 6 km/h. Les automobiles qui ne sont généralement pas les bienvenues pour les piétons respectent les règles et il est impossible de forcer le passage d’une borne escamotable automatique.
Les véhicules visés par la limitation de vitesse sont donc les deux roues motorisées et les vélos.
La vitesse des scooters est un problème récurrent partout. Dans les zones piétonnes, les livreurs de repas font généralement peu de cas du danger qu’ils représentent. La présence des deux-roues à moteur thermique a été tolérée jusqu’à ces dernières années dans les zones piétonnes. Les municipalités légifèrent maintenant pour leur interdiction ou pour des accès très contrôlés, mais également pour leur stationnement.
Le cas de Nantes Métropole est emblématique de cette évolution. Par arrêté, le 8 mars 2021, la circulation des deux-roues a été interdite dans toutes les zones piétonnes avec et sans contrôle d’accès. Les deux-roues (tricycles et side-cars compris) ont interdiction de circuler et de stationner. Les livreurs qui viennent chercher des repas préparés par des restaurants à l’intérieur de la zone, doivent rouler à l’allure du pas et pouvoir prouver par un bon de commande, le bien fondé de leur trajet. Pour les livraisons, les scooters, uniquement électriques, sont autorisés à circuler le soir.
Tout stationnement de deux roues est interdit. Les aires de stationnement pour deux roues sont largement diffusées.
Les conducteurs de deux-roues habitant la zone sont soumis aux mêmes principes de stationnement et de circulation que les résidents propriétaires de voiture.
Pour Nantes Métropole, il s’agit de faire un pas de plus vers la ville apaisée, de promouvoir la convivialité par les mobilités douces — au premier rang desquelles on trouve la marche — pour une diminution des nuisances sonores, des polluants atmosphériques.
Les EDP, appelés ainsi par les autorités françaises, focalisent toutes les tensions depuis le développement incontrôlé des trottinettes en libre-service. Après un vote de consultation, la municipalité de Paris a interdit leur location. Reste la circulation de tous les engins de déplacement personnel électrique (EDPM pour motorisé) qui sont nombreux, légers, portables et performants :
Ces engins ont des statuts différents. Le gyropode est soumis aux règles du Code de la route au titre de piéton, articles R 412-34 et R 412-43. Il est donc interdit à un gyropode de circuler sur la chaussée avec les véhicules. À l’intérieur d’une zone piétonne, il doit circuler à l’allure du pas (6 km/h), lorsqu’il est toléré sur les pistes cyclables, sa vitesse est limitée à 26 km/h. Les autres EPDM sont soumis au décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019.
On comprend facilement la difficulté de légiférer sur ces engins ambivalents, à la fois motorisés et piétons, pour les espaces piétons au sein desquels cohabitent pistes cyclables ou tolérance pour les vélos et piétons.
La sécurité routière rappelle que :
Les municipalités peuvent accorder des dérogations comme autoriser l’accès des EDPM sur les trottoirs à l’allure du pas ou sur des segments de voirie comportant des limitations de vitesse plus élevées.
L’emploi du vélo reste encore aujourd’hui l’objectif principal de la transition vers une mobilité urbaine douce. Et pour cause, il bat la voiture pour les déplacements courts en ville. Pour un parcours de 1 à 5 km, le vélo roule en moyenne à 15 km/h alors que la voiture ne dépasse pas 14 km/h. Silencieux, non polluant, permettant de transporter son ordinateur ou son sac de sport, c’est le moyen de déplacement idéal en ville, surtout sur le plat. Les pistes, voies et bandes cyclables s’étendent d’année en année dans toutes les agglomérations. Mais, les VAE sont apparus depuis…
Les VAE utilisent les mêmes voies et les mêmes aires de parking que les vélos classiques. Pour autant l’assistance permet d’accéder plus vite à 25 km/h (vitesse à laquelle l’assistance s’arrête) et de conserver à moindre effort cette vitesse de croisière. Les VAE apportent donc un confort de mobilité, mais, à l’instar des EPDM, constituent des véhicules relativement lourds qui se déplacent 4 fois plus vite qu’un piéton. (Certains vélos électriques roulent jusqu’à 80 km/h.)
Pour les vélos classiques (à propulsion humaine), il serait dommage d’oublier les cyclistes sportifs et les livreurs à vélos qui, tout en se maintenant en forme, agissent pour un meilleur environnement. Cependant, leurs vélos — souvent bien entretenus — et leurs muscles et leurs poumons leur permettent de circuler sans moteur à 25 ou 30 km/h, et travailler leur agilité au milieu des piétons fait partie du plaisir d’aller vite. Ce qui rend leur circulation dangereuse au milieu des piétons.
Si on ajoute à ces modes de locomotion les rollers, skate et trottinettes (patinettes) non motorisés, on ne peut que constater le nombre impressionnant de personnes pouvant se déplacer plus vite qu’à pied. Ce qui dans le cadre d’une zone piétonne ou de ses abords directs pose problème.
Il est aujourd’hui nécessaire de limiter la vitesse dans les zones piétonnes pour plusieurs raisons :
Sans vouloir être trop sévère, on doit tout de même admettre que l’augmentation d’équipement permettant des déplacements non piétons dans une zone réservée perturbe la tranquillité au-dessus d’un certain seuil de vitesse.
Il faut également penser aux :
La ville de Metz, qui a commencé sa piétonnisation il y a un demi-siècle, possède un plateau piétonnier de 52 000 m2, ce qui en fait une partie essentielle de la vie quotidienne dans le centre-ville. L’arrivée des nouveaux moyens de déplacement conjuguée à une habitude de la piétonnisation a poussé les autorités à renforcer la réglementation de l’espace piéton en termes de contrôle d’accès, de stationnement et de limitation de vitesse. La vitesse est limitée à 10 km/h pour tous les véhicules, y compris pour les véhicules non motorisés depuis 2021. La brigade de police VTT est désormais équipée de jumelles radars. Toute personne se déplaçant au-delà de cette vitesse s’expose à une amende de 135 €.
Certaines municipalités ou collectivités locales interdisent purement toute circulation dans les zones ou rues piétonnes. Les cyclistes doivent donc mettre pied à terre. La réglementation de la zone piétonne rejoint ainsi celle déjà ancienne de l’usage des trottoirs.
Chaque évolution remet en question l’usage des espaces publics. Les volontés actuelles de ville apaisée obligent à des adaptations du partage de la rue. Les Zone à Faibles Émission (ZFE), Zone 30, Zone à Trafic Limité (ZTF), Zone de Rencontre contribuent à rendre la ville plus sûre et sereine. La réduction de la vitesse à l’intérieur des zones piétonnes est une continuité logique de cette politique de la ville.
En conclusion, l’évolution technologique met à portée de main des EDPM ludiques et performants ce qui demande une législation particulière de la zone piétonne. On peut également pointer que l’emploi urbain du vélo augmente d’année en année. Ce succès amène également à de nouveaux usages des espaces piétons. La limitation de vitesse à 10 voire 6 km/h apparaît donc nécessaire pour concilier la mobilité douce aux modes de vie maintenant bien implantés des centres-villes piétons.
Lire aussi :
Image à la UNE : gyropodes à Aix-en-Provence — François GOGLINS — Wikimedia