Une ville invite dans son projet de smart city des centaines de métiers, emploie des dizaines ou des milliers d’agents publics ou privés, agrège des experts, des chercheurs, des dizaines d’entreprises, des partenaires publics et autant de citoyens que compte le territoire.
Dans ce grand chantier, l’autorité locale doit fixer le cadre des tâches à accomplir et définir le rôle de chacun pour rendre le système interopérable par chacun des acteurs, puisque tel est le but.
La ville noue des associations, des partenariats, passe des commandes aux acteurs, globalement, par étapes, pour des durées variables, etc.
Tout ceci peut prendre différentes formes contractuelles.
Délégation de service public, régie, partenariat… Une collectivité territoriale est libre de choisir le mode de gestion de ses services. Petit tour du champ des possibles.
Dans le cas d’une régie, l’autorité publique crée une structure financièrement autonome qui a une mission statutaire définie.
Le champ d’intervention de la régie est réduit à ce qu’on lui assigne. La régie ne peut engager ni frais ni personnel étranger à sa mission. Elle doit fonctionner avec les ressources qu’on lui alloue ou qu’elle produit. C’est donc un établissement public à caractère commercial. (EDF est une régie.)
Dans le cadre de la gestion de tout ou partie d’une smart city, la régie permet à l’autorité territoriale d’organiser un service public individualisé au sein d’une entité propre et fermée. Il sera donc plus facile d’en estimer le travail, les compétences et les avancées dans le temps, ainsi que la rentabilité.
De par son statut commercial, suivant sa spécialité, la régie peut vendre ses services à d’autres collectivités ou à des entreprises. Dans le secteur public, elle peut elle-même répondre à des appels d’offres, entrer sur des attributions de marché public et passer des contrats.
Le coût de mise en place d’une régie spécialiste pour la smart city peut tempérer les ambitions. En effet, la dotation budgétaire doit comprendre la totalité de la masse salariale, la formation et la mise à niveau de tous les agents. Ce qui au moment d’une transition numérique pèse lourd. Mais l’investissement dans une telle structure peut aussi s’avérer payant sur le long terme. Une fois son expertise acquise et sa notoriété faite, la régie peut former ses propres agents, passer des contrats et fonctionner en dégageant des bénéfices. L’actionnaire principal et peut-être unique qu’est la ville voit alors son investissement remboursé et bénéficie d’une entité compétitive.
Comme son nom l’indique, dans ce contrat, l’autorité publique confie la gestion d’un service public à un délégataire, personne morale, publique ou privée. Ce contrat est assorti d’une rémunération liée au résultat d’exploitation. C’est la différence avec un marché public. Lors de la passation d’un marché public, le paiement est effectué immédiatement et intégralement par l’acheteur. Dans le cas d’une délégation, le délégataire est rémunéré par les bénéfices qu’il tire du service public qui lui a été donné.
Le délégataire assume donc une part de risque de l’exploitation, il peut également faire des investissements dans le cadre défini par sa mission.
Le cadre légal de ce contrat sied à des activités stables et peu évolutives. La renégociation de contrat est délicate puisqu’elle engage le délégataire à revoir l’organisation de son activité rémunératrice. De nouveaux enjeux, des innovations importantes seront alors des demandes plus difficiles à intégrer dans un service géré par ce contrat.
Cette forme originale de contrat est particulièrement adaptée à la smart city puisqu’elle porte nécessairement sur des projets innovants. Mais attention…
Le marché de recherche et développement consiste à partager les coûts de développement d’une innovation technique ou de service entre la collectivité et une entreprise privée.
Cette passation de marché public dispense de la mise en concurrence des entreprises au lancement, mais pas lorsque la solution est trouvée. Si, comme on le souhaite, la solution innovante a été mise au point et fonctionne, à ce moment-là, le contrat se termine de lui-même. La solution doit donc être achetée, et ceci, dans le cadre de passation d’un nouveau marché ouvert aux concurrents. Ce qui dans le cadre d’un service public fraîchement fonctionnel peut entraîner des perturbations.
Pour pallier à ce problème structurel, la collectivité locale peut choisir la formule du partenariat d’innovation (article L. 2172-3 du code de la commande publique). Ce contrat qui vise le long terme permet d’acquérir ou non la solution innovante à la fin de la phase de développement, sans la mise en concurrence et sans changement de contrat.
Ce partenariat a été créé pour inciter les collectivités à innover dans leurs services et stimuler l’esprit d’innovation dans les entreprises locales afin d’améliorer la qualité des services publics. Ce contrat est donc taillé sur mesure pour la smart city.
À ne pas confondre avec le précédent même si la terminologie est proche. On pourrait schématiser en disant qu’il s’agit d’un troc de bon sens.
Ce contrat sert à contrôler une entreprise qui ne dépend pas de financements publics, donc qui n’a pas de lien de subordination à l’autorité publique, mais qui opère sur son territoire ou dont l’utilisation intéresse la collectivité. Le cas semble curieux, mais il est très fréquent dans le cadre de la smart city.
Prenons l’exemple de la supervision de trafic routier. La municipalité a besoin d’une plateforme existante de calcul d’itinéraire. Elle conclut donc un accord de partenariat avec une de ces plateformes pour récupérer les données du trafic qu’elle veut soumettre. En contrepartie, la plateforme récupère une visibilité pour ses investisseurs et les données fournies par la ville. Bien entendu, dès qu’on touche à l’open data, on doit pouvoir proposer des volumes importants de données pour intéresser les acteurs majeurs du secteur. Ces formes contractuelles sont donc prédestinées aux métropoles et aux communautés de communes les plus peuplées.
Le “gentleman agreement” a cours pour des marchés de montants inférieurs au seuil de mise en concurrence, tout comme la convention d’occupation de domaine public, qui peut être des accords verbaux permettant la réalisation de tests ou de solutions innovantes ponctuelles à l’essai. L’avantage réside dans la rapidité de mise en place et la souplesse d’adaptation. Bien entendu, le contrôle est moindre et le risque augmentera en cas de pérennisation de l’expérience. Mais l’accord autorise tout ajustement et évolution futurs.
Reprenant le rôle des plateformes de toute nature (réseaux sociaux, GPS, calculateurs de trajets et autres applications facilitatrices) la collectivité locale offre les outils de la smart city aux citoyens. Elle crée un espace ouvert aux utilisateurs, à eux de la faire tourner. Les acteurs de la smart city étant multiples et divers, c’est une solution souple et fonctionnelle. Le nombre de profils enregistrés et de temps de connexion fait la réussite de telles plateformes puisque le système se nourrit des données qu’il génère. L’open data est donc primordial dans ces plateformes collectives auxquelles toutes les activités peuvent être agglomérées. Cela va des aides à domicile, au stationnement en passant par la végétalisation des rues et aux programmes de jardins partagés. Bref tout peut y être modulé en fonction des spécificités territoriales de la collectivité animatrice de la plateforme. L’accord entre les acteurs est contenu dans les conditions générales d’utilisation.
Comme on le comprend, les formes contractuelles de la ville intelligente doivent permettre aux collectivités de toutes tailles d’évoluer dans de multiples dimensions.
Ce que l’on retiendra c’est que la législation favorise l’innovation et qu’elle cherche en même temps à protéger les citoyens à travers la création de nouveaux outils de service public.
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