Le commerce est à l’origine du dynamisme d’une ville. De nombreuses communes suivent la tendance actuelle de rendre aux piétons des espaces publics importants de leurs centres-villes. Mais la piétonnisation est-elle toujours profitable au commerce
Il est difficile d’établir des règles sur les relations complexes qu’entretiennent commerce et piétonnisation. Chaque cas est différent. Une piétonnisation réussie, profitant au commerce, est toujours le fruit d’une longue concertation et de nombreux ajustements. Pourquoi et comment la piétonnisation peut-elle favoriser le commerce ?
Les commerçants de Metz font figure de pionniers dans le domaine de la piétonnisation. Ce sont eux qui ont demandé dès 1962 de rendre piéton les rues les plus commerçantes du centre-ville pour la période des fêtes de Noël. Pour eux, à cette époque, la congestion du trafic automobile gênait le commerce lors de la période la plus bénéfique de l’année.
En 1965, la municipalité inaugure un grand parking souterrain en centre-ville et en 1973, un îlot piéton s’implante à temps plein en cœur de ville. La piétonnisation est lancée et évolue avec la ville depuis maintenant un demi-siècle. Le plateau piéton s’étend aujourd’hui sur 52 000 m2.
L’enseignement que l’on peut tirer de cette expérience tient peut-être d’une culture locale du commerce et d’un besoin de convivialité. L’essor de la piétonnisation a été porté par l’ensemble de la communauté messine.
En 2024, la célèbre artère commerçante londonienne entame sa piétonnisation et annonce déjà qu’elle sera la voie piétonne la plus fréquentée d’Europe. Pourquoi ?
Le commerce en ligne, puis l’épidémie de Covid 19 ont porté un coup dur à une rue déjà en déclin à cause notamment de deux mégas centres-commerciaux ouverts de chaque côté de la ville. Résultat, des enseignes historiques qui ferment, remplacées par des commerces bon marché pour touristes et la culture commerçante séculaire d’Oxford Street s’écroule.
« Oxford Street était autrefois le joyau de la couronne de la vente au détail au Royaume-Uni, mais elle a durement souffert durant la dernière décennie, nous devons agir urgemment pour redonner vie à la rue la plus connue de la nation. » a dit le maire de Londres pour annoncer le projet.
Le chantier est important, un premier tronçon devrait voir le jour en 2027. Le résultat est donc pour plus tard, mais dans ce cas précis et emblématique, la volonté de piétonnisation est totalement liée au commerce. Il suit une tendance générale qui veut que, pour les grandes villes, la redynamisation du commerce de centre-ville passe par la piétonnisation.
Les grandes villes ont généralement des transports en commun plus développés, des infrastructures de stationnement importantes et une population résidente qui peut aisément se déplacer à pied ou en vélo. Ces facteurs offrent donc des atouts majeurs à la piétonnisation des centres des grandes villes. De plus, les centres historiques des villes appellent à la déambulation. Mais, il serait dangereux de vouloir appliquer ce modèle à toutes les villes.
Lorsqu’une commune parle de rendre une zone piétonne, les polémiques et idées fausses prolifèrent généralement. Les études et concertations apportent le plus souvent des hypothèses de travail et des preuves chiffrées.
Il faut toutefois noter que certaines topographies appellent plus à la piétonnisation que d’autres. Les centres historiques aux rues étroites obligent à la réduction du trafic motorisé pour des raisons évidentes de sécurité, dans ce cas, il est délicat il s’agit plus d’une impossibilité de circuler que d’un choix de piétonnisation.
Dans les villes à population moyenne (20 000 à 100 000 habitants), l’automobile est plus utilisée pour les transports quotidiens que dans les grandes villes. Les résidents utilisent leurs véhicules pour aller travailler et pour faire leurs courses dans les grandes surfaces en périphérie. Dans ce cas, la piétonnisation peut être néfaste aux commerces du centre-ville.
Pour ne pas gêner le commerce et améliorer la qualité de vie, passer le centre-ville en zone 30, protéger les espaces piétons par des trottoirs, élargis ou des voies protégées proposent une pacification de la circulation tout en laissant l’accès des voitures aux commerces.
Des rues offrant une circulation calme favorisent la marche et les déplacements doux et donc des possibilités d’arrêts plus fréquents, ce qui favorise l’accès aux commerces, y compris dans les rues de transit.
La piétonnisation de l’espace public n’est pas incompatible avec le commerce, y compris les commerces de proximité suivant certains équipements comme les bornes de stationnement ou bornes d’arrêt minute. Conçues pour des arrêts de courtes durées, installées en bordure de rues piétonnes, elles permettent l’accès des automobilistes aux commerces.
Pour qu’un centre-ville piéton favorise le commerce, il faut penser à :
On retiendra également que certains commerces se prêtent plus aux aires piétonnes que d’autres. La restauration, les commerces de bouches, de luxe, de cadeaux auront plus de succès qu’une quincaillerie, par exemple.
Il faut aussi penser que les périodes de travaux sont toujours néfastes aux commerces riverains et à la fréquentation du centre ville.
La concertation et les enquêtes d’opinion doivent se poursuivre après l’implantation de l’aire piétonne, elles sont essentielles pour faire vivre les commerces. L’aire piétonne évolue, il faut rester à son écoute.
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Image à la UNE : Rue piétonne et commerces à Montpellier - Photo Wikimedia